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Le Grand @telier de Lisbonne
15 novembre 2011

LA VIE DES ARTISTES

 

Alvaro Pires Vierge à l'Enfant Pise Álvaro Pires de Évora (1411-1434)

Connu sous le nom de Álvaro Pietro di Portugallo, cet artiste qui a fait presque toute sa carrière en Italie avait deux signatures : Alvarvs Petri de Portogallo, en italien, et Álvaro Pirez Devora, en portugais. On peut en déduire que c’est à l’âge adulte qu’il quitta le Portugal pour l’Italie, puisqu’il savait déjà écrire en portugais. Son style s’apparente à la peinture florentine du premier Quattrocento. Álvaro Pires se partage entre Florence et Sienne, de 1411 à 1434, avant de se fixer à Pise puis à Volterra. Ses commanditaires sont d’abord les ordres religieux, mais aussi la bourgeoisie marchande florentine. Vasari l’évoque sans complaisance au détour de la notice sur Taddeo di Bartolo dans ses Vies des plus excellents peintres… : « Il fit plusieurs tableaux à Volterra, un à Saint-Antoine de Pise et d’autres ailleurs ; il est inutile d’en parler davantage, car ils ne sont pas excellents ». La partialité notoire de Vasari n'ôte rien au succès qu'à côté dÁlvaro Pires de Évora certains artistes portugais (Luiggi di Portogallo, João Gonçalves) rencontrèrent en Italie.  


Nuno G Nuno Gonçalves, actif entre 1450 et 1490

Jusqu’au 20 juillet 1450, date à laquelle Alphonse V nomme Nuno Gonçalves peintre du roi, titre assorti d’une pension annuelle de 12000 réaux, on ne sait rien de l’artiste dont le Portugal du XIXe siècle fera un héros national. Plus tard, il sera fait chevalier, distinction rare pour un peintre, et sa pension sera augmentée en 1470. Preuve que son prestige allait croissant et que le roi l’avait reconnu. On ne sait pas s’il a rencontré Van Eyck, mais il est clair qu’il en a retenu la leçon. On pense qu’il a dû mourir vers 1492.

On lui doit essentiellement un Christ à la colonne pour une chapelle du monastère de la Trinité et, bien sûr, les fameux Panneaux de Saint-Vincent, qui, après avoir été l’objet de vives et interminables controverses d’interprétation, font aujourd’hui la gloire du Musée d’art ancien de Lisbonne.

Depuis la découverte au début des années 1880, dans un coin du monastère de Saint-Vincent-hors-les-murs, des Panneaux, les historiens de l’art ont développé deux théories adverses sur l’interprétation de ce chef d’œuvre. Pour les uns, ils représenteraient saint Vincent et auraient été peints par Nuno Gonçalves autour de 1470 ; pour les autres, dont l’opinion semble aujourd’hui faire autorité, il s’agirait d’un tableau dynastique, peint dans l’entourage de Nuno Gonçalves, représentant D.Fernando, l’Infant Saint, mort en captivité au Maroc en 1443, entouré des membres de l’ « Insigne génération » (“Inclita geração”, qualificatif inventé par Camões dans Les Lusiades). Outre son exceptionnelle qualité artistique, l’intérêt de ce « portrait de groupe » est qu’il constitue un fabuleux document sur la société portugaise des années 1440. Si le personnage central, reproduit deux fois dans sa dalmatique, est trop idéalisé pour qu’on y reconnaisse le visage de l’Infant Saint, on trouve dans ces panneaux de magnifiques portraits :

- dans le Panneau des moines, Nuno GD.Estevão de Aguiar, abbé d’Alcobaça entre 1431 et1446 ;

- dans le Panneau de l’Infant, Nuno G outre le portrait idéalisé de D.Fernando, l’Infant Saint, on voit le fameux portrait de l’Infant Henri le Navigateur, ceux du roi D.Duarte (1391-1438) de la  reine Leonor, et d’Isabelle de Bourgogne, âgée, seule fille légitime de Jean Ier.

-  dans le panneau de l’archevêque, Nuno G D.Pedro de Noronha (1396-1452), cousin de la reine Leonor

- dans le Panneau des chevaliers, Nuno G le vieux duc de Bragance, D. Afonso (1402-1460) devant ses deux fils

 -dans le panneau de la Relique Nuno G le personnage en toge rouge est le corregedor de Lisbonne ; derrière lui, un juif atteste l’importance de la communauté dans la ville de Lisbonne à l’époque.

http://paineisnunogoncalves.org/downloads/2-18.pdf


 

F Francisco Henriques (14 ??-1518)

On sait peu de chose sur cet artiste dont le roi Manuel Ier s’était entiché, le considérant comme “ le meilleur peintre de son  temps” (« O Melhor Oficial de Pintura que Naquele Tempo Havia »). Ce dont on est certain, c’est qu’il est mort en 1518, frappé ainsi que plusieurs de ses compagnons, apprentis et esclaves,  par la peste qui s’était abattue sur Lisbonne cette année-là. On peut supposer que c’est peu après 1500 qu’il était arrivé au Portugal, accompagné de plusieurs autres artistes flamands, venant de Gand ou de Bruges, où avait peut-être été l’élève de Gérard David.  Henriques s’implante rapidement  dans le milieu artistique portugais, où il tisse des liens familiaux multiples. Il épouse la sœur de Jorge Afonso, peintre du roi, et accueille dans son atelier des peintres comme Garcia Fernandes, qui va travailler avec lui au plafond du Tribunal, devient son gendre et prend sa suite.

Peu de temps probablement après son arrivée au Portugal, Francisco Henriques participe – dirige même, peut-être  –  à l’exécution du retable de la cathédrale de Viseu (entre 1501 et 1506).

À partir de 1508, il travaille à une commande royale, le retable du maître-autel de l’église São Francisco de Evora (une œuvre exceptionnelle, dont il reste heureusement 15 panneaux sur les 16 composant le retable). Il collabore certainement à l’exécution des retables des chapelles latérales.

En 1512, il fait un voyage éclair en Flandre, pour y recruter des artistes flamands, ceux qui travailleront avec lui au plafond du Tribunal de Lisbonne (détruit par le tremblement de terre de 1755) et qui succomberont avec lui à l’épidémie de peste.

L’atelier de Francisco Henriques à Lisbonne fut un centre de production et de formation primordial : retables et autres grandes commandes de peinture, bannières pour les entrées royales, mais aussi vitraux, comme ceux de la chapelle majeure de São Francisco de Évora. Le roi Manuel lui accordera charges et titres : peintre du roi d’abord, Passavante, en 1514. Le sort s’acharnera cependant contre la postérité de ce maître : la peste d’abord, qui l’empêcha de terminer le chantier dont il était si fier, le plafond du Tribunal de Lisbonne. Le tremblement de terre de 1755 ensuite, dans lequel disparut définitivement ce chef d’œuvre, dont on parle encore cinq siècles plus tard sans l’avoir jamais vu. 

voir les oeuvres : http://legrandatelier.canalblog.com/albums/francisco_henriques/index.html

http://joaquimcaetano.wordpress.com/amor-fama-e-virtude/o-melhor-oficial-de-pintura-que-naquele-tempo-havia/


J Jorge Afonso (vers 1470 – vers 1540)

Nul ne connaît sa date de naissance, mais on sait qu’il fit son testament, à l’âge de soixante ans, en 1540. Incontestablement, il finit sa vie dans une aisance certaine. Marié avec Maria Lopes, dont il eut au moins trois enfants, Jorge Afonso était le beau-frère de Francisco Henriques, le beau-père de Gregório Lopes, le frère d’Afonso Gonçalves. Apparenté à Marco Pires, João de Ruão et Pedro Anes, maître de Lopes, Garcia Fernandes, Pêro Vaz et Gaspar Vaz, il semble également lié à Jorge Leal et Vasco Fernandes, tous étant des noms importants dans la peinture, la sculpture, la menuiserie d’art, et l’architecture des années 20 et 30 du XVIe siècle. C’est dire si son atelier, situé à côté du monastère de São Domingos, donnant sur la place du Rossio, au centre de Lisbonne, était le centre d’une activité artistique sans égale, dont on trouve l’équivalent moderne dans le Montparnasse des années de l’entre-deux-guerres.

Il a peut-être fait son apprentissage dans les Flandres. Il cumule quelques charges rentables et prestigieuses. Manuel Ier le nomme peintre du roi en 1508, lui confie la charge d’affineur de bleu (afinador de azul) des mines d’Aljustrel, et un poste d’oficial de armas (officier d’armes) plus ou moins concomitant avec la réforme des offices de la noblesse entreprise par Manuel Ier après 1509.  En 1516, il devient Arauto (héraut) Malaca et Lisboa  en 1516. Il fut certainement Passavante (poursuivant d’armes), et ensuite peut-être même Rey de Armas (roi d’armes). C’est probablement au titre d’Arauto Lisboa qu’il est l’auteur des plafonds du Palais de Sintra, ouvrage qui accompagnait la régularisation et la rénovation des offices héraldiques. La charge était hautement prestigieuse, importante dans le cérémonial et la diplomatie, et fut occupée, dans les premières décennies du XVIe siècle, par divers artistes. Il semble que ces fonctions ont beaucoup occupé Jorge Afonso dans la dernière partie de sa vie, au moins autant que son activité artistique.

On lui attribue le retable du couvent de la Madre de Deus à Lisbonne, celui du couvent de Jésus à Setúbal. Il a dû diriger le chantier de décoration de la Rotonde du couvent du Christ à Tomar. S’il subsiste encore des zones de flou dans l’attribution de ses œuvres, une chose est certaine : l’importance de son atelier et le poids de son influence sur une génération entière d’artistes.

voir les oeuvres : http://legrandatelier.canalblog.com/albums/jorge_afonso/index.html

 


Frei Carlos Bon Pasteur Frei Carlos, actif entre 1517 et 1539

C’est un peintre flamand qui a travaillé au Portugal. On ne sait ni où il est né, ni qui étaient ses parents, ni auprès de qui il a été formé. Peut-être même est-il né à Lisbonne, de parents flamands. On ne connaît avec certitude que la date de son entrée au monastère de l’Espinheiro, situé près d’Evora et appartenant à l’ordre des hiéronymites. C’était le 12 avril 1517. Il est l’auteur des retables de l’église du monastère, au maître-autel, au transept, aujourd’hui consevés au MNAA.

Frei Carlos s’inspire directement de la peinture de Bruges et d’Anvers. Raczynski a pu dire de lui que “peintre des beaux drapés, il a le style doux et tendre de Memling”, fortement réaliste dans ses portraits, idéaliste dans les paysages, qui sont “de véritables antichambres du paradis”.

Parmi les nombreux tableaux, aujourd’hui conservés au MNAA, deux seulement sont datés, L’Annonciation, de 1525, L’Apparition du Christ à la Vierge, de 1529.

 

 


DeposiçãoCristóvão de Figueiredo (actif entre 1515 et 1555)

On associe généralement cet artiste à Gregório Lopes et Garcia Fernandes, avec qui il a beaucoup travaillé. Elève comme eux de Jorge Afonso, ildevait être plus âgé que ses compagnons d’atelier et de ripaille, dès lors qu’on sait que, dès 1515, il était « examinateur des peintres de Lisbonne», charge réservée à un maître ayant déjà fait ses preuves. Il semble qu'il ait occupé ce poste jusqu'à la fin de sa vie, puisqu'en 1555 il évalue le nouveau retable de la cathédrale de Lisbonne. Marié avec l Ana Pires, fille du sculpteur Pero Anes et de Beatriz Afonso, ils auront au moins un fils, Pedro de Figueiredo. Il est aussi le beau-frère de Isabel Pires, femme de l’architecte français João de Ruão. Il a des liens de parenté avec presque tous les peintres contemporains. Avec ses compagnons d'atelier et de bombance, Gregorio Lopes et Garcia Fernandes, il travaille sur le chantier du Tribunal suprême de Lisbonne, ce qui donera le coup d'envoi à leur notoriété.  Dans les années 1520, il travaille au grand retable du couvent de Santa Cruz à Coïmbra : tant par la compétence technique que par son style raffiné, où les blancs purs et la transparence des carnations font encore l’admiration, cette œuvre est caractéristique de Cristóvão de Figueiredo. Ce sont ces caractéristiques qu’on retrouve dans l’exceptionnelle Déposition (conservée au MNAA de Lisbonne), qui par ailleurs propose deux des meilleurs portraits de donateurs de l’art portugais.  

CF Depos  

Devenu en 1531 peintre du Cardinal-Infant, Cristóvão de Figueiredo travaille à Lamego en 1533. C’est lui qui signe le contrat du monastère de Ferreirim, où le trio qu'il forme avec Gregório Lopes et Garcia Fernandes se reconstitue pour peindre, en 1533-1534, un grand retable. Peintre raffiné, il fut aussi un immense dessinateur, effectuant nombre de dessins que ses compagnons ou apprentis achevaient de peindre, et même des cartons de tapisserie commandés par la cour.


Tomar Vierge dans le jardin Gregório Lopes (vers 1490-1550)

Gregório Lopes a dû voir le jour vers 1490. Il a été enterré en 1550 dans l’église de São Domingos à Lisbonne, où sa pierre tombale portait : «  Ci-gît Gregório Lopes, chevalier de Saint-Jacques, peintre de Sa Majesté le Roi et de ses héritiers ». Elève de Jorge Afonso, il a épousé la fille de son maître, dont il a eu au moins deux fils et deux filles. Il avait agrandi sa maison, contiguë à celle de son beau-père, pour y installer son propre atelier à partir de 1520. Sa carrière démarre en 1518, date à laquelle il reprend, avec Cristóvão de Figueiredo et Garcia Fernandes, le chantier du plafond du Tribunal suprême de Lisbonne, inachevé par Francisco Henriques, mort de la peste. Il sera rapidement récompensé par Manuel Ier, qui le nomme peintre du roi en 1520, et par le Grand Maître de l’Ordre de Saint-Jacques, qui lui confère le grade de chevalier de l’Épée. Le privilège, considérable pour un artiste, est la preuve de son prestige social. Cela lui vaudra la commande de plusieurs œuvres. En 1525, il termine le retable de la chapelle du Sauveur du couvent de São Francisco de Lisbonne, couramment désigné par « Série de São Bento », qu’il a exécuté avec Jorge Leal. De 1525 à 1534, il travaille entre Braga, Coimbra, Vila Franca et Algés. Autour de 1527, il travaille au retable de l’église du Paraíso, à Lisbonne. En 1531, le roi autorise Gregório Lopes à aller en mule, aux frais de la cassette royale. En 1533-1534, avec ses compagnons Cristóvão de Figueiredo et Garcia Fernandes, il se rend à Ferreirim, près de Lamego, pour peindre le retable du monastère. Entre 1536 et 1539 il prend la suite de son beau-père pour exécuter, à Tomar, six retables pour les autels de la Rotonde, et six tableaux pour l’église de Saint-Jean Baptiste. C’est en 1540 que les religieuses Comendadeiras de l’ordre militaire de Santiago lui commandent un retable pour leur nouvelle église de Santos-o-Novo, à Lisbonne, au bord du Tage. Son appartenance à l’ordre emportait en effet certaines obligations, notamment de décoration des bâtiments, couvents et églises de l’ordre. En 1544, le cardinal D.Henrique lui commande un programme pictural pour les trois autels de l’église du nouveau couvent du Bon Jésus de Valverde, près d’Évora.  Il meurt en 1550, sa charge de peintre du roi sera confiée par Jean III à son fils Cristóvão.

Gregório Lopes occupe une position  charnière entre la période où le travail d’atelier sous influence flamande est prépondérant et le moment où le métier de peintre s’individualise sous l’action d’une culture humaniste qui commence à émerger.

voir les oeuvres : http://legrandatelier.canalblog.com/albums/gregorio_lopes/index.html

 


GF Transfig Trindade Garcia Fernandes ( actif de 1514 à 1568)

Sans la peste de 1518, cet artiste serait peut-être resté dans l’obscurité. En effet, comme Francisco Henriques, succombant à l’épidémie, laissait inachevé le chantier du plafond du Tribunal suprême de Lisbonne, Jorge Afonso, dont il était le neveu et l’élève, suggéra son nom à Manuel Ier pour terminer le travail. Le roi, qui avait déjà versé à son peintre favori la quasi-totalité de la somme promise, et qui de surcroît s’était engagé à subvenir aux besoins de la veuve de ce dernier, contraignit Garcia Fernandes à se contenter de la petite somme qui restait à payer et, par dessus le marché, à épouser la fille du malheureux pestiféré. Encore très jeune (on sait qu’il était septuagénaire en 1568, ce qui le fait naître vers 1498), sans œuvre personnelle ni atelier à lui, Garcia Fernandes était bien obligé d’accepter ce contrat léonin. Le roi lui laissa cependant entendre qu’il le nommerait Passavante (poursuivant d’armes), titre que portait Henriques.  De ce mariage imposé naîtront au moins neuf enfants. Garcia Fernandes, avec ses amis, parents et compagnons d’atelier Gregório Lopes et Cristóvão de Figueiredo, va participer à l’exécution d’importantes commandes. En 1533-1534, il peint le retable du monastère de Ferreirim (Lamego), travaille à Santa Clara-a-Velha, met la main au retable de la cathédrale de Lisbonne. En 1537, il peint un grand retable pour le couvent de la Trinité, œuvre majeure qui pourrait sembler inspirée de Raphaël, notamment dans le panneau représentant la Transfiguration.

La clarté de la composition, alliée à la grâce des figures féminines et à un vrai sens décoratif, qui le conduit à privilégier les scènes d’intérieur, qu’on admire dans cette œuvre,  caractérisent Garcia Fernandes. Lorsqu’il peint les tissus, les tonalités chaudes se conjuguent à la froideur de certains verts et jaunes. Sa manière de traiter les drapés fait qu’on a parlé de « plis de métal ». Enfin, en bon élève de Jorge Afonso, il montre un vrai talent dans la représentation des objets d’orfèvrerie et les armures.

En 1539, il exécute un retable pour la cathédrale de Goa. Sa dernière œuvre connue est le Mariage de saint Alexis, dans lequel on a longtemps vu le Mariage de Manuel Ier.

Les conditions abusives du contrat imposé en 1518 par le roi Manuel Ier avaient peut être marqué notre artiste et contribué à développer chez lui rancœur et pugnacité. En 1540, en effet, Garcia Fernandes adresse une supplique au roi Jean III, pour lui rappeler les promesses non tenues de son père. Ce long document heureusement parvenu jusqu’à nous est précieux car on y trouve la liste des œuvres réalisées par le peintre, des indications sur les liens de parenté et d’amitié entre les artistes de l’époque, leurs conditions de travail, leur position sociale, leurs aspirations et leurs frustrations. Entre les lignes de cette supplique, les historiens de l’art ont su décrypter un véritable tableau de la société et de la profession artistique à Lisbonne au milieu du XVIe siècle.

voir les oeuvres : http://legrandatelier.canalblog.com/albums/garcia_fernandes/index.html


graovasco_s_pedro1  Vasco Fernandes (Grão Vasco), actif de 1501 à 1542

 Avant 1501, on ne sait rien sur celui qui a longtemps été considéré comme le plus grand peintre portugais du XVIe siècle, le seul connu en dehors des frontières. On a beaucoup brodé sur la vie d’un artiste dont l’époque romantique avait fait une sorte d’artiste maudit, presque un héros national. On sait aujourd’hui qu’il a eu une carrière assez conventionnelle, un carnet de commandes rempli et rentable. Sa première femme était Ana Correia et c’est dans la maison de son beau-père, Pêro Anes, tailleur à Viseu, qu’il installa sa première résidence et son atelier, tout près de la cathédrale. Devenu veuf, après 1524, il s’était remarié avec Joana Rodrigues, avant 1534. Il avait eu au moins une fille, Beatriz, de sa première femme, et peut être une deuxième, Leonor Fernandes. Ses revenus augmentant avec la notoriété et donc les commandes, il acquiert dans les quarante années suivantes plusieurs propriétés, de la vigne notamment et meurt dans une aisance confortable en laissant une œuvre abondante.

Les commandes qu’il recevait le conduisaient à s’éloigner de son domicile, quelquefois pour une longue période. Par exemple, il passe presque toute l’année 1507 à Lamego, où il travaille au retable du maître-autel de la cathédrale. Le style de sa peinture permet de penser qu’il a été influencé par des Flamands, ébénistes chargés de construire le cadre du grand polyptyque de la cathédrale de Lamego entre 1506 et 1511. Mais il ne s’éloigne jamais beaucoup de Viseu. Sauf en 1515, où il se trouve à Lisbonne, auprès de Jorge Afonso, chez qui il a peut-être recruté Gaspar Vaz, qui viendra plus tard le rejoindre à Viseu. Mais c’est dans cette ville (300 km au nord de Lisbonne) qu’il fréquente son commanditaire et son interlocuteur le plus important : D. Miguel da Silva, évêque de Viseu, cardinal et humaniste éclairé, ambassadeur à Rome, dédicataire du Livre du courtisan de Balthazar Castiglione. Il en fera le portrait dans le tableau représentant Le Christ chez Marthe et Marie.

Deux chantiers marquent la carrière de Vasco Fernandes : les restructurations des cathédrales de Viseu et de Lamego, pour lesquelles il exécutera deux immenses polyptyques, le premier en 1506-1511, le second en 1501-1506. Il reste 14 panneaux du retable de Viseu, dans lequel étaient représentées des scènes de la Vie de la Vierge, de l’Enfance de Jésus et de la Passion du Christ. L’un d’entre eux, L’Adoration des mages présente un intérêt historique et symbolique extraordinaire puisque le roi mage noir y est figuré par un Indien Tupinamba du Brésil, première représentation dans l’histoire d’un Indien dans l’histoire de la peinture occidentale. D. Miguel da Silva (qui n’était peut-être pas étranger à l’introduction d’une telle nouveauté) commandera d’autres œuvres pour la cathédrale de Viseu autour de 1530, notamment l’emblématique Saint Pierre.

En 1535, l’artiste exécute quatre retables pour Santa Cruz de Coïmbra. Il travaillera pour l’église de Tarouca vers 1535, pour le palais épiscopal de Fontelo vers 1535-1540.

 Il meurt à la fin de l’année 1542, laissant une œuvre novatrice, d’inspiration flamande à l’origine, à la palette sombre mais infiniment variée, dans laquelle la lumière sculpte les volumes et marque la profondeur, où la caractérisation de certains visages (on pense au Saint Pierre) dévoile le talent de portraitiste d’un peintre qui est aussi conteur et dramaturge.

Voir les œuvres : http://legrandatelier.canalblog.com/albums/grao_vasco/index.html


D Diogo de Contreiras (actif à partir de 1521, mort en 1563)

Avec cet artiste, la peinture portugaise amorce un tournant stylistique vers une manière à l’italienne. On entend parler de lui pour la première fois en 1521, lorsqu’il participe à la décoration de la ville de Lisbonne pour l’entrée solennelle de Manuel Ier et de sa troisième femme, Leonor. Entre 1536 et sa mort en 1563, Contreiras déploie une activité constante, dont il nous reste aujourd’hui une cinquantaine d’œuvres. Autour de 1540, le duc de Bragance lui commande deux retables, pour les églises d’Ourém et de Unhos, au nord de Lisbonne ; l’Ordre du Christ lui passe trois commandes pour différents couvents. C’est aussi à ce moment qu’il peint la magnifique Mort de la Vierge, aujourd’hui conservée au Musée des Beaux-Arts de Valence.  La Prédication de Jean Baptiste est emblématique de sa manière. Conservée au Musée d’art ancien de Lisbonne, elle fut peinte vers 1552-1554 pour le monastère de São Bento de Castris. Il s’agit là d’une des œuvres magistrales de la peinture portugaise du milieu du XVIe siècle, pour la virtuosité du dessin, pour la composition qui rend à la fois le mouvement des corps mais aussi celui des âmes troublées par le prédicateur. Mais Contreiras est aussi un peintre du portrait (ses personnages sont parfaitement caractérisés), de la couleur et de la décoration. Caractéristiques d’un maître qui expliquent l’influence qu’il a exercé sur toute une génération de suiveurs.  

 Voir aussi : http://legrandatelier.canalblog.com/albums/diogo_de_contreiras/index.html

 


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